
Départ : pont Lamary, au-dessus de Lescun
Destination : pics Mouscaté, pic d’Ansabère, petit Ansabère, pic de Petragème
Qui : collective du CAF de Pau et de la vallée d’Ossau
Quand : 31 octobre 2017
Météo : couvert, vent frais. Prémices d’hiver.
Du pont Lamary à la cabane de Pédain, située sous le pic d’Ansabère, il n’y a que quelques encablures. Nous sommes sous un incroyable massif calcaire : crevasses, aiguilles, gouffres, fissures, résurgences le sillonnent de toute part. C’est beau. Qui est à la manoeuvre ?
Les géologues parleraient de site « karstique » : ces plateaux calcaires sensibles à la dissolution provoquée par l’action, corrosive et érosive, de l’eau sur le carbonate de calcium. Bref, c’est plein de trous dans tous les coins devant nous. Et, si la roche se ramollit sous l’eau, elle n’en restera pas moins sacrément ferme sous les coups répétés de nos semelles vibram !
La pierraille nous attend sous le col d’Escoueste. Izards dans les parages. La collective tente une cheminée. Des pierres instables tombent. Contournement. Au col, la surprise à laquelle nous ne nous attendions pas : vents frais et nuages nous forcent à mettre des couches supplémentaires. Les pictos simplistes de la météo annonçaient pourtant brumeux et ensoleillé. Nous partions pour une belle journée automnale. La réalité sera : couvert avec vent frais plutôt désagréable. Une journée de début d’hiver. Dommage.
Le Mouscaté est gravi sans problème. Belles vues sur le pic et l’aiguille d’Ansabère. Descente pour rejoindre, à l’ouest, la ligne de crête qui permettra de rejoindre le pic d’Ansabère. Montée sous les rafales de vents frais. Jean Lacazette fait remarquer que les espagnols appellent le pic Petrechema alors que le pic Petragème est plus à l’est. Géographes de tous pays, unissez-vous !
Au pic, face à nous, la grande aiguille d’Ansabère. Olivier Blanchet revient sur un épisode particulièrement triste : la toute première cordée arrivée au sommet n’est jamais redescendue vivante dans la vallée. Le 24 juin 1923, Lucien Carrive et Armand Calame progressent. La corde de chanvre casse dans la montée. Lucien Carrive chute et se tue. Armand Calame continue et devient le premier grimpeur à gravir la grande aiguille. Pour marquer son passage, il laisse sur place une boite de sardine sous une pierre. Entreprenant la descente, il chute à son tour. (Plus de détails : c’est ICI)
Pause casse-croûte rapide, sous le pic, un peu à l’abri du vent. Pas suffisamment. Personne ne bouge. Sommes assez « transis ». Va falloir se réhabituer aux températures d’hiver.
Direction le Petit pic d’Ansabère. Il y en a un. De même qu’il y a une Petite aiguille d’Ansabère ! L’érosion semble en marche sous nos yeux, notamment au col, situé entre le Grand pic d’Ansabère et son cadet, le Petit pic. Une pichenette et la paroi pourrait dégringoler dans la vallée.
Descente au col de Petragème suivie d’une remontée vers le pic de même nom que l’on termine main au rocher, histoire de justifier le 3 donné à la « course » cotée 4/3. Pour le 4, il reste encore la longue descente, vers la cabane d’Ansabère, par le col de Chourique sous lequel nous surfons sur un cailloutis sans fin.
A la cabane, un cri du coeur, gravé sur son « frontispice » en bois, laisse de marbre nos coéquipières de sortie, Delphine et Cathy : « villa des privés d’amour » ! Pas partantes…
Retour tranquille vers le pont Lamary. A Lescun : pot de fin de journée au « Café des Bergers ». Jean fait un saut à l’épicerie pour constater que son livre « Lescun tous azimuts », paru en 2012, reste le best-seller incontestable de la petite librairie sur place.
Jean connait tous les coins et recoins du secteur – de même Jean-Claude -. Sortir avec eux, par ici, est indiscutablement un très « bon plan ». Merci aux encadrants !
– par Beñat
Bernard Boutin
4 novembre 2017
Suite à la boucle réalisée au Cirque d’Ansabère, jeudi 2 novembre, j’ai demandé à Pierre Salles, chroniqueur de la langue gasconne sur France Bleu Béarn, de nous donner l’origine du mot Ansabère. Sa réponse est très claire :
« ANSABÈRE, c’est tout au fond de la vallée de Lescun, sur votre gauche en remontant. C’est tout un cirque de montagne qui porte ce nom ; la cabane qui est située là porte le nom de « cabane d’Ansabère », il y a le « gave d’Ansabère », qui rejoint le Lauga (L’Augar) pour former le gave de Lescun, il y a « les fontaines d’Ansabère », le « lac d’Asabère », et puis, il y a surtout les fameuses « aiguilles d’Ansabère », la grande et la petite, très pointues et un peu effrayantes quand-même, qui se dressent vers le ciel. Laissant la conquête de ces vertigineux sommets aux intrépides pyrénéistes, nous allons, nous, modestement, essayer de savoir ce que pourrait bien vouloir dire leur nom. Comme nous avons expliqué le toponyme CUREBÈRE la dernière fois, nous avons toujours en mémoire que l’adjectif « bèra » signifie généralement « grande et grosse », et a priori, il se pourrait que nous ayons aussi affaire à lui dans ANSABÈRE.
Mais comment interpréter ANSA- ? Eh bien, aucun mot de l’occitan de Gascogne ne nous permettant de nous approcher, de près ou de loin, d’une signification plausible, il va falloir nous remettre en tête que la langue prélatine des Pyrénées était très semblable au basque, avec lequel, bien sûr, elle formait antiquement une unité très cohérente. Et en cherchant sur les dictionnaires basques on trouve effectivement très vite une racine très intéressante en l’occurrence : Philippe Oyhamburu, dans son « Euskal deituren hiztegia », à savoir « dictionnaire des patronymes basques », donne d’abord « ANTZO », dont le sens est « hauteur, éminence », et « ANTZA », qui veut dire « épine ». Si l’on rapproche les deux idées, il se pourrait fort bien qu’on ait là une racine ancienne désignant un sommet très pointu : on ne saurait mieux tomber pour ANSABÈRE. Ceci dit, il nous faut maintenant reconsidérer la signification évoquée pour le second élément -BÈRE : puisque le premier élément n’est pas latin, il y a beaucoup de chances pour que le deuxième ne le soit pas non plus. Et justement, il existe un suffixe euskarien qui convient à merveille ici, c’est le suffixe -BEHERE, qui prend parfois la forme -BERE, et qui a généralement le sens adverbial de « en bas », « vers le bas », « à la partie inférieure, au pied ». Le patronyme BEHERETXE, par exemple, signifie littéralement la « maison d’en bas ». On aboutit ainsi, bien sûr, à une forte probabilité pour que ANSABÈRE ait voulu dire initialement « la partie de montagne située au pied de la hauteur pointue » : le cirque d’ANSABÈRE correspond parfaitement à cette définition.«
Le verdict du GPS (source : BaseCamp et TOPOPIRENEOS ) :
– Dénivelé : + 1650 m, point le plus haut : 2372 m (pic d’Ansabère), le plus bas : 1190 m (pont Lamary), durée de la sortie : 8 h, distance parcourue : 16,4 km
– Niveau CAF : 4/3
– Encadrants : Jean Lacazette, co-encadrée par Jean-Claude Mourterot
– Participants : Delphine Arches, Jean-François Avril, Jean-Pierre Belaygue, Olivier Blanchet, Bernard Boutin, Serge Depart, Jean-Philippe Floras, Michel Leshauries et Cathy Roques
– Les randos d’avant : c’est LÀ
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