
En quittant le refuge La Grange de Holle (1495), situé au-dessus de Gavarnie, « la mule et son intello », accompagnés d’Iñigo, ont un objectif simple : remonter la vallée d’Ossoue qui conduit au refuge de Bayssellance (2651). Pour l’intello, qui a déjà parcouru cette longue vallée pour « faire le Vignemale », c’est un peu comme s’il se retrouvait chez lui. Rien de bien nouveau pour exciter sa soif de découvertes.
Le jour suivant, il en sera de même pour le trajet entre le refuge des Oulettes de Gaube et les cols des Mulets et d’Arratille avant de descendre vers Pont d’Espagne, terme de la traversée des Pyrénées centrales 2015. « Business as usual ! » diraient les anglo-saxons.
Pendant qu’Iñigo est tout à la découverte de la « langue frontale » du Glacier d’Ossoue et du Petit Vignemale, l’intello, lui ne fait que parcourir les 40 kilomètres de ces deux dernières journées de traversée. Il n’est pas fatigué. Il avance. L’excitation de la nouveauté n’y est pas. Il connait déjà. C’est presque frustrant.
Pendant 18 jours, à chaque instant, du lever au coucher du soleil, tout était objet de curiosité, de coup de coeur, d’extase quelques fois, comme lors de l’étonnante découverte, par au-dessus, du canyon d’Aniscle ou, celle du massif de la Maladetta depuis le col de Mulleres.
Sous le Vignemale, ces sentations sont éteintes, même si sa vue depuis le refuge des Oulettes reste un grand moment visuel. La leçon du Vignemale est là : ce qui fait avancer le « traverseur » des Pyrénées, c’est un désir, jamais éteint, de découvertes. Derrière chaque nouveau virage, chaque nouveau sommet, chaque nouveau col ou fond de vallée, se cache une part de rêve, de beauté, d’excitation dont l’homme a tellement besoin.
La traversée des Pyrénées, c’est un peu une antidote à la routine. Cette routine qui endors les capacités, d’observations et de réflexions, de l’Homme.
Ce besoin d’antidote a sa traduction dans un constat : l’intello n’a jamais croisé un randonneur faisant pour la seconde fois la traversée. Ce serait entrer dans la routine. Tout au plus, a-t-il vu des Suisses faire la traversée des Pyrénées une seconde fois mais… en sens inverse ! Avez-vous déjà rencontré un pélerin faisant deux fois Saint Jacques de Compostelle par la même voie ? L’Homme et ses excitations visuelles !
De la montée à Baycellance, les deux randonneurs et leur fidèle mule retiendront qu’elle fut champêtre pendant un long moment. Au lieu-dit du « pont à neige », changement d’ambiance : Un gros névé couvre le gave des Oulettes. Un troupeau de moutons y prend le frais, à moins que cela ne soit une tentative pour tuer les parasites qui se logent sous leurs sabots.

Plus haut, l’équipe laisse, à sa gauche, l’embranchement qui conduit vers la grotte Henry Russell, le glacier d’Ossoue et finalement au Vignemale. Arrivée, quelques minutes plus tard, au plus haut refuge de la chaine pyrénéenne : celui de Bayssellance situé à 2651 m. Un refuge cozy à l’intérieur avec une magnifique vue, non pas sur le Vignemale, mais sur… le massif de Gavarnie, au fond de la vallée. Pas de douche, ni chaude, ni même froide. Repas de cantine. Bonne nuit dans un dortoir pour 4.
Le lendemain, passé le col de la Hourquette d’Ossoue, c’est la descente vers le refuge des Oulettes de Gaube. Café sur place et, séance photo avec la face nord du Vignemale en toile de fond. Un grand classique. Montée au col des Mulets pour la belle traversée qui le relie au col d’Arratille dans un univers 100% minéral. Derrière le col, la descente sur les lacs d’Arratille et le refuge Wallon marque la fin de la traversée des Pyrénées, en commun, d’Iñigo et de l’intello.
Iñigo, réplique du « basque bondissant », décide de ne pas s’arrêter au refuge Wallon et de faire « deux étapes en une ». Il doit aller jusqu’à Hendaye. Il lui reste 12 étapes. Il les réduira à 7 ! Après de chaleureux abrazos, Iñigo file vers le col de la Fache et le refuge de Respumoso. La mule et son intello le regardent s’éloigner. En 2016, ils partiront aussi dans cette direction.
Bonne surprise, Iñigo parti, c’est MaryMar, femme de l’intello, qui arrive à Wallon. Deux basques de Bilbao viennent de se râter de quelques minutes. De nouveaux abrazos et descente vers Pont d’Espagne pour terminer la traversée 2015 par une dernière étape de près de 25 kilomètres. « La mule et son intello » sont maintenant bien rodés !
– par Bernard Boutin
PS : Pour la « petite histoire » : à l’arrivée, sur la balance, la mule a perdu 2 kilos après la traversée des Pyrénées centrales. En 2014, pour les orientales, elle en avait gagné 2. Tentative d’explication : L’étape moyenne 2014 était de 20,3 kms pour 1059 m de dénivelé. En 2015, elle est de 16,8 kms pour 1080 m de dénivelé. Les Pyrénées centrales sont plus raides. On le savait déjà !
Il y a aussi plus de gites, aux menus « bio » ou gastronomiques, dans les Pyrénées orientales que dans les centrales où les menus des refuges rappelent bien souvent ceux de cantines ou de cafétérias de périphérie des villes.
Nota :
– Le verdict du GPS :
J 33 La Grange de Holle – Refuge de Baycellance : 3,3 k/h, 5h08 de marche, 7h03 de rando, 17,1 kms parcourus, 1361m de dénivelé positif
J 34 Baycellance – Pont d’Espagne : 3,5 k/h, 6h54 de marche, 9h55 de rando, 24,2 kms parcourus, 709m de dénivelé positif
– Les précédentes étapes de la traversée des Pyrénées, d’est en ouest, pour la « mule et son intello » : c’est ICI
– Crédit photo : Bernard Boutin
Vous avez tout à fait raison et pour les Pyrénées Ouest, j’ai déjà parcouru le secteur allant en gros de La Fache au Pic d’Anie. Un beau morceau. Il faudra que je l’aborde avec un autre esprit…
J’ai bien croisé des Suisses qui faisaient pour la deuxième fois une traversée des Pyrénées. Sauf que pour la seconde, ils la faisaient en sens inverse !
Avez-vous déjà rencontré un pélerin faisant deux fois Saint Jacques de Compostelle par la même voie ?
Pour l’anecdote, j’ai rencontré un pélerin qui faisait pour la dixième fois (en 10 ans) le chemin de St Jacques par la voie Podiensa…mais je vous accorde bien volontiers que l’on rencontre rarement en montagne (sauf sur le gr20) des randoneurs répétant à l’infini le même parcours !
Philippe