Pombie 1967-2017 – La saga des Gardiens (acte 3, 1976-1978) : Guy MAYLIN, gardien malgré lui !


A Gabas, sous l’Ossau, Guy MAYLIN (2è en partant de la droite en bas)

Guy MAYLIN est le plus local des gardiens de Pombie. Plus local, impossible. Il est né en 1948, juste en dessous du refuge, à Artouste « sous le téléphérique ». Son père est contremaitre à la Compagnie des Chemins de fer du Midi, sa mère reste au foyer. Elle a fort à faire avec une fratrie de 8 enfants.

De ses études à l’école de Gabas, on retient que son instituteur, Monsieur GARDIEN, a l’habitude de terminer l’année scolaire en emmenant ses élèves gravir l’Ossau. Guy y grimpe, pour la première fois, à 5 ans ! Démarre alors une vie consacrée à la montagne.

Quelques années plus tard, au cours de l’hiver 75/76, Guy, guide de haute montagne auprès du Bureau des Guides de Laruns, se fracture la clavicule, la tête de l’humérus et se déchire les ligaments de l’épaule lors d’une compétition de ski à Gourette. Pour le chirurgien qui l’opère, le Docteur BOUTIN de la clinique Marzet, un constat s’impose : Guy va devoir se passer de grimper, pendant au moins deux saisons, le temps nécessaire pour que l’épaule se fortifie.

C’est la catastrophe pour Guy qui doit trouver un « boulot alimentaire ». Le guide postule alors aux emplois de gardien des refuges de Pombie et d’Ayous qui sont tous les deux libres pour l’été 76. Le Parc National des Pyrénées approuve sa candidature pour le refuge d’Ayous et, suite à l’intervention de Popo DAUDU auprès du président du Club Alpin de Pau, il est aussi pris pour Pombie. A 28 ans, Guy, le guide qui ne rêve que de grimpe et de randonnée, se retrouve à la tête de deux refuges à gérer !

C’est compter sans le sens de l’organisation de la famille MAYLIN. Depuis déjà 4 ou 5 saisons, deux soeurs de Guy, Michelle et Nicole, tiennent le refuge d’Arrémoulit. Elles sont aidées par leur frère Jean-Louis. Guy propose à ce dernier de tenir Ayous pendant qu’il s’occupera de Pombie. La famille, installée dans 3 refuges proches de la vallée d’Ossau, va pouvoir alors organiser une gestion rigoureuse des équipes et des approvisionnements. Les achats se font en gros volume à Pau. Les héliportages « de mise en place » deviennent plus rentables.

Pour autant, Guy n’aime pas son travail : recevoir, cuisiner, gérer. Il n’a de cesse de redevenir guide. Pour cela, il lui faudra pourtant attendre 1978. En attendant, il fait de « l’alimentaire » qu’il complète l’hiver, quand les refuges sont fermés, par un emploi de responsable du centre de formation des moniteurs de ski à Gourette. Un centre qui dépend du Ministère de la jeunesse et des sports.

Crédit photo : Jean-Marie OLLIVIER

A Pombie, en cette première saison 76, ses enfants Philippe (6 ans et demi) et Véronique (5 ans), sa compagne Mado, le rejoignent dès que les vacances le permettent et pour les week-ends. Les premiers salariés apparaissent au refuge. Il faut dire qu’il y a de plus en plus de clientèle.

Franco est mort l’année précédente. Une bouffée d’air pour beaucoup de grimpeurs espagnols qui en profitent pour prendre d’assaut « el Midi » : « Les cordées grimpent en continu sur la sud-est de la Jean Santé  ! »

Il n’y a pas qu’eux. Le clan à POPO, des grimpeurs de haut-niveau comme Dominique JULIEN, Rainier MUNTCH dit Bunny, Christian RAVIER, Bernard PUISEUX, Christian DESBATS ou encore Christophe OLIVIER, passe régulièrement par le refuge. De sacrées soirées entre grimpeurs auxquels aimait se joindre Guy.

Les 45 places du refuge sont prises d’assaut. Il peut y avoir 50 personnes supplémentaires à caser. Elles dorment alors sur les bat-flancs, sur et sous les tables du réfectoire. A cette époque, il n’y a pas de norme de sécurité l’interdisant. Guy est satisfait : « Ça tourne bien ».

Eté 1976 : Le téléphone est enfin installé. Pas trop tôt ! Il faut cependant du temps pour que les montagnards s’habituent à réserver à l’avance. Les « trop-pleins » durent encore longtemps.

Avec un refuge qui tourne bien, il s’agit de l’approvisionner régulièrement. Aux deux héliportages d’Héli-Union par saison, principalement pour les boissons, le lait, les conserves et le gaz, il faut ajouter d’incessantes rotations avec les ânes. Marquise est retraitée. Elle ne porte plus. Un petit âne, « Petitou » la remplace. Il faudrait un âne supplémentaire. En attendant, les porteurs font le reste. Ils vont ensemble récupérer les approvisionnements qui sont stockés dans un local du Club Alpin situé au centre pastoral à Anéou.

Deux saisons de suite, Guy, en tant que guide, amène à l’Ossau, un couple de maraichers de Bayonne, par la voie normale. En remerciement, ils arrivent un jour au refuge avec « Fano », un âne marqué d’une croix sur son dos noir. Ils le lui offrent. Le portage se simplifie d’une façon sympathique et inédite.

Fano et Petitou sont gardés dans un enclos avec une clôture électrique. Un jour sur deux, ils sont de corvée de portage. Malin, celui qui est de corvée trouve toujours le moyen de s’échapper pour aller se cacher dans la raillère !

Fin 78, les ânes s’échappent à nouveau. Ils ne sont pas dans le vallon de Pombie, leur destination de fuite favorite. Il faut 5 jours pour les retrouver du coté du caillou de Soques alors que Guy les cherchait à Anéou !

Les allers et retours de portage se font escortés par « Anéou », le patou de la famille. Une négociation « chaude » a lieu avec le PNP pour obtenir l’autorisation de conserver l’animal à Pombie. Les bergers ont droit à leurs chiens mais pas les gardiens de refuge ! Guy doit faire un courrier au Parc pour obtenir une dérogation. Elle lui est accordée et généralisée à l’ensemble des refuges sur la zone du Parc. Il n’y a pas de petits combats.

Guy devient conseiller du préfet pour le secours en montagne. Il y a tout type d’accidents sur place. Heureusement, ils ne sont pas nombreux. Cela va de la touriste qui donne à manger aux ânes et se retrouve avec la deuxième phalange coupée net à des accidents plus sérieux nécessitant une évacuation par hélicoptère.

Un jour d’été 77, vers 14 ou 15 heures, une « alouette » vient chercher Guy. Une cordée est bloquée sur la face nord. Parmi les secouristes du PGHM d’Oloron, un spécialiste en spéléologie pas trop à l’aise sur les parois. Guy le remplace. Il est déposé à coté d’un alpiniste qui a les mains brulées. Pendant qu’il s’occupe du blessé, l’hélicoptère part chercher le deuxième membre de la cordée. En vol stationnaire, il essaye de le charger. Les pales des rotors viennent à toucher la paroi. Ses palettes (embouts de pales) sont sectionnées et volent dans tous les coins. L’hélicoptère pivote et plonge dans la vallée.  Le pilote LUMPERT arrive à redresser l’engin in-extremis et le pose en catastrophe à côté du refuge.

Il faut attendre les CRS de Lannemezan pour secourir, à pied et de nuit, le grimpeur bloqué. Quand à l’alouette, ce n’est que 4 jours plus tard, une fois les pales changés, qu’elle peut redécoller.

Guy aime bien le portage et le nettoyage mais l’accueil et la cuisine ne sont pas son « truc ». Ses soeurs, Michelle et Nicole, abandonnent Arrémoulit et viennent, à tour de rôle, en renfort pour les saisons 77 et 78. Le clan des ossalois(es) est aux commandes avec comme effets immédiats de bonnes garbures béarnaises et du fromage de brebis en permanence. Les tomes de 5 kilos viennent naturellement du saloir de Gabas. Un fromage d’hiver avec 4 mois d’affinage.

En hiver, les boues de la fosse sceptique se figent et sèchent. Il s’agit de la vider avec seau et pelle. « Le bagne ». En été, avec l’affluence au refuge, tout se complique. Il n’y a qu’un WC à l’intérieur. La fosse sceptique est souvent pleine. Guy est contraint de louer une pompe à main aux « Pompes funèbres générales » de Laruns. Un court répit pour le guide, gardien à ses dépens.

Et, s’il n’y avait que cela : sans WC accessible, depuis la « salle hors-sacs » et son dortoir ouverts pendant les 7 à 8 mois d’hivernage, les visiteurs n’ont pas d’autre solution que d’aller aux alentours du refuge. Souvent, ils ne s’éloignent pas des murs du refuge et de la terrasse ! Reste alors pour le gardien, à la reprise de saison, à nettoyer tous les pourtours immédiats du refuge. Une tâche pas particulièrement plaisante pour redémarrer la saison. (Une tâche qui reste malheureusement vraie en 2017 !)

Comme pour les BUTEL, le problème de la gestion des déchets est un souci non réglé. Combien d’années faut-t-il donc pour apprendre aux montagnards à ne pas les jeter ? Guy demande avec fermeté à ceux-ci de les descendre. Dès que le refuge n’est plus en vue, ils s’empressent de les cacher sous une pierre ! De quoi désespérer.

Derrière le refuge, un lavoir est installé à l’extérieur. Une poubelle facile que tout le monde utilise. Un jour, pris de colère, Guy le casse à coups de masse.

A la fin de l’été 1978, il y a de 80 à 100 personnes dans le refuge : « Du monde partout ». Dans la salle « hors-sac », les montagnards bourrent le poêle, mis à leur disposition, de leurs déchets. Un autre jour, croyant bien faire, ils entassent les poubelles dans un coin de la salle. Une véritable pyramide et un message (non dit) :  « Au gardien de les descendre. »  Guy n’encaisse pas toujours bien…

Les incivilités continuent dans d’autres domaines. Le mauvais temps tombe. Des randonneurs se réfugient dans l’abri des ânes. Ils prennent les couvertures de ceux-ci puis se mettent à redescendre vers Anéou. Guy les rattrape.

Eté 78, Guy achète à Pau de nouvelles chaussures : des « super-guides ». Il les destine à des courses de guide. Pour les casser, il fait du portage avec elles et les laisse à l’entrée du refuge dans les étagères à chaussures. Un jour, elles n’y sont plus mais ont été remplacées par les mêmes, plus anciennes et dans la même taille ! Coup d’oeil dehors, sans perte de temps, en direction des trois cols : Peyreget, Suzon et Pombie. Quelqu’un file vers ce dernier. Guy lui court après, le rejoint, regarde ses chaussures. Pas un mot n’est échangé. Le randonneur retire immédiatement les chaussures de Guy pendant que celui-ci, fou de rage, jette au loin les chaussures de l’indélicat.

A la fin septembre, cinq cafistes dorment dans l’ancien refuge. Cette nuit-là, Guy est à Laruns. Au matin, il va leur demander leurs cartes du CAF pour faire la facture. Ceux-ci ne veulent pas payer sous prétexte qu’il n’était pas sur place durant la nuit. Le ton monte. Ils en viennent presque aux mains. Devant la fermeté de Guy, ils finissent par céder. Ce jour-là, pour Guy le guide, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase : « Il ne faut pas que je continue ce métier ». Il  démissionne à la fin de la saison 1978.

– par Bernard Boutin

1951 – Artouste – Le jeune Guy MAYLIN, deuxième en partant de la gauche. Sous le portique : un ours !

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